Mémo n°3 : Comment faire fonctionner le CECRA pour Main Street
Alors que le COVID-19 frappe de plus en plus durement les rues principales du Canada, les loyers commerciaux ont été désignés comme l'un des coûts fixes les plus difficiles à supporter pour les petites entreprises qui doivent faire face à des fermetures forcées et à une baisse de leur chiffre d'affaires. Le 16 avril, le gouvernement du Canada a annoncé la création de l'Aide d'urgence au loyer commercial (AOLC), une prestation d'urgence conçue pour réduire les loyers de 75 % pour les petites entreprises touchées par la pandémie.
Le programme, qui doit être opérationnel d'ici la mi-mai en vertu d'un accord conclu avec toutes les provinces et tous les territoires, a été généralement bien accueilli. Pourtant, dans les jours et les semaines qui ont suivi l'annonce, de nombreuses petites entreprises, des groupes industriels et des organisations civiques ont fait part de leurs inquiétudes quant aux problèmes posés par le nouveau programme.
Programme canadien d'aide d'urgence aux loyers commerciaux (CECRA)
Le CECRA accordera aux propriétaires de locaux commerciaux remplissant les conditions requises des prêts à remboursement conditionnel couvrant 50 % de trois loyers mensuels versés par des petites entreprises locataires remplissant les conditions requises, pour les mois d'avril, de mai et de juin. Les prêts sont ensuite annulés si le propriétaire hypothéqué réduit son loyer de 75 %, la petite entreprise locataire couvrant le reste, soit jusqu'à 25 %.
Pour être éligibles, les petites entreprises locataires (y compris les organisations à but non lucratif et caritatives) doivent payer moins de 50 000 dollars de loyer par mois et doivent avoir cessé temporairement leurs activités ou avoir subi une baisse d'au moins 70 % de leurs revenus avant l'entrée en vigueur de la loi COVID.
Ces conditions doivent faire partie d'un accord de remise de loyer pour la durée pendant laquelle le locataire ne peut pas être expulsé.
Le gouvernement du Canada prévoit que le CECRA sera opérationnel d'ici la mi-mai, et d'autres détails seront annoncés prochainement.
Réponses des membres du réseau d'action Main Street
Depuis l'annonce des détails de la conception du programme CECRA, les parties prenantes, qu'il s'agisse de petites entreprises, de groupes industriels, d'organisations civiques ou de gouvernements locaux, ont fait part de leurs préoccupations, qui portent essentiellement sur trois points :
les propriétaires commerciaux peuvent choisir de ne pas participer au programmece qui signifie que de nombreuses petites entreprises éligibles perdront le soutien dont elles ont besoin de toute urgence ;
la conception du programme est trop restrictiveen ce qui concerne des facteurs tels que les accords de location éligibles et les seuils financiers pour la baisse des revenus ;
le lancement à la mi-mai pourrait être trop tardive pour de nombreuses petites entreprisesqui pourraient être expulsées avant cette date pour défaut de paiement du loyer de mai.
Au cours des deux dernières semaines, un certain nombre de membres du Main Street Action Network, une coalition de participants à l'initiative Bring Back Main Street, ont contribué à la recherche et à l'analyse, ou ont plaidé directement auprès des décideurs politiques pour que des changements soient apportés aux programmes afin de répondre à ces préoccupations.
Des enquêtes récentes ont mis en lumière la situation financière des petites entreprises et leur capacité à accéder au CECRA.
La Chambre de commerce du Canada s'est associée à Statistique Canada pour produire l'Enquête canadienne sur les perspectives des entreprises, qui révèle des baisses de revenus depuis le début de la crise dans les secteurs clés : 72 % des entreprises du secteur de l'hébergement et de la restauration, 66 % des entreprises du secteur du divertissement et des loisirs, et 60 % des entreprises du secteur du commerce de détail. Plus de 40 % des entreprises interrogées ont déclaré que le paiement de leur loyer n'avait pas été reporté par leur propriétaire commercial, ou que le report n'avait pas été proposé ou demandé.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a publié les résultats d'un sondage montrant que seulement un locataire commercial sur dix qui est admissible au CECRA croit que son propriétaire participera au programme. Plus d'un tiers des propriétaires d'entreprise qui ont besoin d'aide ont déclaré qu'ils ne seraient pas admissibles au CECRA en raison du seuil de perte de revenus de 70 %. Par ailleurs, 40 % d'entre eux remplissent les conditions requises mais ne croient pas que leur propriétaire participera au programme.
Deux tiers des petites entreprises interrogées par Save Small BusinessLes deux tiers des petites entreprises interrogées par Save Small Business ont indiqué que le programme d'aide au loyer était le plus important à ce jour, et plus de la moitié d'entre elles pensent que le CECRA les sauvera de la faillite ; pourtant, seulement 19 % des personnes interrogées pensent que leur propriétaire est susceptible de s'inscrire au programme tel qu'il est actuellement proposé. Dans une lettre ouverte[1] adressée aux premiers ministres le vendredi 1er mai, la coalition Save Small Business a demandé aux gouvernements provinciaux et territoriaux de soutenir le CECRA de deux manières : en imposant un moratoire immédiat sur les expulsions commerciales pendant la durée de la pandémie et en obligeant tous les propriétaires à s'inscrire au CECRA si leurs locataires remplissent les conditions requises.
D'autres ont adopté des résolutions ou présenté des propositions détaillées aux gouvernements en vue de modifier le CECRA et d'instaurer un moratoire temporaire sur les expulsions de locataires de petites entreprises en attendant que les détails du programme fédéral/provincial d'allègement des loyers soient réglés.
Une résolution du conseil municipal adoptée par la ville de Toronto la semaine dernière demande à la province de l'Ontario de collaborer avec le gouvernement fédéral pour obtenir des amendements à la loi CECRA, notamment en élargissant l'éligibilité aux entreprises et aux organisations à but non lucratif dont les pertes de revenus sont supérieures à 50 % (au lieu de 70 %), en incluant les structures des propriétaires communes au secteur à but non lucratif, comme les centres communautaires, et en demandant à la province "d'instituer immédiatement un moratoire temporaire sur les expulsions pour défaut de paiement du loyer commercial" afin de protéger les locataires qui ne peuvent pas bénéficier d'une aide parce que les propriétaires choisissent de ne pas participer au programme.
Judith Veresuk, présidente de l'International Downtown Association (IDA) Canada, basée à Regina, a adressé une lettre au Premier ministre au nom d'une coalition nationale de cinq cents associations d'amélioration des affaires, de districts et de sociétés de commerce à travers le pays, exprimant son appréciation pour le programme CECRA, mais proposant d'en affiner la conception en en limitant l'admissibilité au programme aux détaillants locaux et aux petites entreprises de restauration, à l'exclusion des sociétés cotées en bourse ; en réduisant le plafond d'admissibilité de 50 000 $ à 30 000 $ par mois ; en ramenant à 55 % le seuil de 70 % pour la baisse des revenus avant l'entrée en vigueur du COVID ; en permettant aux propriétaires et aux propriétaires d'entreprise de présenter une demande ; en collaborant avec les provinces à l'élaboration d'une loi sur la protection contre les expulsions commerciales ; et en donnant accès aux locataires qui ont déjà négocié des reports de loyer avec les propriétaires.
"Nos propriétaires de petites entreprises travaillent avec de très petites marges et ont vraiment besoin du soutien de leurs propriétaires pour rouvrir leurs portes. En ces temps difficiles, l'IDA Canada soutient pleinement une législation qui empêchera les propriétaires de changer injustement les serrures et de retirer le stock des entreprises qui n'ont pas été en mesure de payer leur loyer".
Le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) a exprimé la même préoccupation au sujet des nombreux rapports selon lesquels de nombreux propriétaires ont refusé de participer au programme d'allègement des loyers du CECRA. Diane Brisebois, présidente et directrice générale du CCCD, a déclaré :
"Une telle approche est à la fois imprévoyante et préjudiciable. Non seulement la perte des locaux commerciaux conduirait de nombreux détaillants à la faillite, mais elle saperait également un écosystème complexe impliquant les détaillants, l'immobilier commercial, les bénéficiaires de pensions, les investisseurs individuels et institutionnels".
La Chambre de commerce du Canada adopte une position similaire. Selon Patrick Gill, directeur principal de la politique fiscale et financière à la Chambre :
"Le loyer est l'un des coûts fixes les plus importants pour une entreprise de la rue principale. Pour donner une bouée de sauvetage aux entreprises pendant la mise en œuvre du programme CECRA, la Chambre de Commerce du Canada soutient un moratoire temporaire sur les expulsions commerciales au niveau provincial et territorial".
Ces organisations, ainsi que de nombreuses autres participant à l'initiative "Bring Back Main Street", se sont engagées à travailler avec les décideurs politiques pour élaborer des politiques susceptibles d'apporter un soulagement immédiat aux entreprises, aux résidents et aux communautés, tout en mettant en place les outils nécessaires à leur rétablissement complet en tant que moteurs de la richesse de la communauté et de la vitalité des quartiers.
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