Mémo n° 6 : Explication sur les petites entreprises de la rue principale
Par : John Archer et Judy Morgan, Three Sixty Collective
Crédit photo : AtaliaPhotos
Alors que les conséquences économiques et sociales dévastatrices de la crise COVID19 se font sentir dans nos villes et nos communautés, l'impact immédiat et durable sur les petites entreprises et les commerces indépendants de la rue principale a été l'un des principaux sujets de préoccupation.
Les rues principales sont importantes pour nos communautés. Comme le résume le Mémo n° 1 : Pourquoi les rues principales sont importantes:
ils constituent des pôles d'activité sociale et culturelle ;
ils soutiennent la santé et la sécurité de la communauté ;
ils rendent les communautés plus résilientes ; et
ils permettent de rentabiliser les investissements.
Les rues principales étant la colonne vertébrale de tout centre urbain dynamique, les petites entreprises représentent une grande partie de l'activité qui s'y déroule.
Mais qu'est-ce qu ' une petite entreprise de la rue principale ? Tout le monde en a intuitivement une idée. Pourtant, si nous voulons comprendre et répondre efficacement aux besoins des petites entreprises et des entreprises indépendantes de la rue principale à travers le pays, nous aurons besoin d'un langage clair et commun avec des données plus cohérentes.
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Définir et compter les petites entreprises
Dans les conversations, les termes "petite entreprise" et "entreprise indépendante" tendent à être utilisés de manière interchangeable. De manière informelle, il est utile de considérer ces deux termes comme des synonymes.
D'un point de vue formel et analytique, cependant, c'est plus compliqué. Diverses études et sources de données, dont Statistique Canada et Formula Retail de San Francisco, mettent en évidence deux critères clés et communs pour définir les petites entreprises indépendantes :
Le pouvoir de décision est dévolu aux propriétaires locaux et n'est pas soumis à des conditions dictées par une autre entité corporative ; et
Le nombre de points de vente étant limité, le propriétaire est en mesure de superviser et de fournir un service personnalisé dans tous les points de vente.
En outre, le nombre total de salariés constitue une sous-catégorie utile pour identifier les entreprises en phase de démarrage et les entreprises familiales "mom and pop".
Bien entendu, toutes les entreprises ne répondent pas exactement à ces critères. Par exemple, les franchises sont souvent détenues et gérées localement, mais soumises à des règles différentes ou à des niveaux d'autorité décisionnelle définis par le siège de la franchise.
D'un point de vue pragmatique, Statistique Canada fournit les définitions les plus utiles aux fins de l'analyse.
Une "entreprise indépendante" compte de un à trois points de vente opérant dans la même catégorie industrielle et appartenant au même propriétaire légal à tout moment au cours de l'année d'enquête. Cela permet de s'assurer que le propriétaire supervise directement les activités quotidiennes de l'entreprise.
Une "petite entreprise" est définie comme ayant moins de 100 employés. Cette définition n'a malheureusement qu'une pertinence pratique limitée, car la quasi-totalité des entreprises de la rue principale comptent moins de 100 employés.
La "micro-entreprise", qui compte de un à quatre employés, est une sous-catégorie utile de la définition des petites entreprises de Statistique Canada, qui permet d'analyser les entreprises familiales en phase de démarrage et les entreprises familiales "mom and pop".
Il convient de noter que certaines petites entreprises n'emploient aucun salarié et comptent sur les membres de leur famille ou sur des travailleurs contractuels pour constituer leur main-d'œuvre. Ces entreprises ne sont pas incluses dans la définition des micro-entreprises de Statistique Canada.
Au-delà de ces définitions de Statistique Canada, il existe d'autres façons d'envisager et de suivre les petites entreprises. Par exemple, nous pourrions définir la notion de "petite entreprise" du point de vue du volume des ventes ou de la surface occupée.
Les ventes peuvent être mesurées de différentes manières. Statistique Canada recueille et publie des données sur les ventes au détail, l'Agence du revenu du Canada suit les remises de TPS aux entreprises, et des fournisseurs de transactions tiers tels que Visa, Moneris ou Apple Pay pourraient constituer une autre source de données. Cependant, aucune de ces données n'est actuellement fiable et il n'existe pas de définition largement acceptée du volume typique des transactions de vente pour les petites entreprises.
La surface commerciale, une autre mesure potentielle qui pourrait être utile aux planificateurs et à d'autres professionnels, pose un problème similaire. Il n'existe pas de source de données nationale fiable sur la superficie des locaux commerciaux par entreprise. La taille de l'espace commercial dépend également beaucoup du type de biens ou de services vendus, et il n'existe pas de définition largement acceptée permettant de distinguer les "petites" entreprises.
Tout en offrant un potentiel d'analyse intéressant, ces mesures présentent des inconvénients évidents. Pour définir et dénombrer les petites entreprises, les mesures de Statistique Canada relatives aux "entreprises indépendantes" et aux "micro-entreprises" sont les plus fiables dont nous disposons à l'heure actuelle.
Les petites entreprises de la rue principale sont de grandes entreprises
Il est évident que les petites entreprises locales sont intimement liées à la plupart des rues principales du Canada. Bien que les chaînes nationales et internationales, les centres commerciaux et d'autres formes de commerce jouent un rôle important au service de la communauté, ce sont les entreprises indépendantes d'une rue principale qui en définissent souvent le caractère et en assurent l'unicité.
Les entreprises locales et indépendantes dominent tous les secteurs du commerce de détail, de la restauration et des services aux consommateurs. Des études récentes en ont apporté la preuve empirique. Une étude que nous avons menée pour la ville de Toronto a révélé que plus de 75 % des entreprises de la plupart des rues principales étaient des entreprises indépendantes, une tendance qui s'est maintenue de 2011 à 2018 (voir le tableau ci-dessous). Une étude de la ville de Vancouver a abouti à des résultats similaires après ajustement de l'inoccupation.
L'impact est d'autant plus important que les entreprises indépendantes sont plus susceptibles d'acheter les biens et services dont elles ont besoin pour fonctionner auprès d'autres entreprises locales, ce qui amplifie leur impact sur l'économie et l'emploi locaux.
Les entrepreneurs nouvellement arrivés au Canada construisent souvent leur nouvelle vie dans les rues principales. Certaines entreprises familiales sont également transmises de génération en génération. Cet aspect communautaire de l'entrepreneuriat de la rue principale est confirmé par la même enquête de 2019 sur les propriétaires d'entreprises indépendantes de Toronto, à qui l'on a demandé pourquoi ils avaient ouvert leur entreprise :
- 75% sont motivés par le fait de "faire ce que j'aime" ;
- 76% veulent contribuer à la communauté ; et
- 55 % veulent enrichir la vie des autres.
Les habitants de la communauté accordent une grande importance au fait de pouvoir faire leurs achats dans des commerces locaux et indépendants. Par exemple, 45 % des résidents de Toronto interrogés ont déclaré qu'ils faisaient plus d'achats dans les commerces locaux indépendants le long des rues principales qu'il y a deux ans. Ils accordent également une grande importance à la contribution des commerces indépendants à la vie de la communauté. L'une des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête auprès des résidents nous a confié ce qui suit :
"Les entreprises locales de mon quartier participent et soutiennent les événements communautaires, sont bénévoles dans les comités, mènent des initiatives pour les personnes dans le besoin, créent un sentiment de sécurité, un lien personnel, une histoire et une permanence. Ils deviennent des amis pour beaucoup d'entre nous et un point de contact dans notre vie quotidienne".
Dans l'ensemble, nos recherches ont montré que les petites entreprises sont des fournisseurs essentiels de biens et de services dans les rues principales et que leur rôle pour les habitants d'une communauté va au-delà de la fonction purement transactionnelle.
La menace COVID-19 pour la survie des petites entreprises
Malgré leur présence importante et leur rôle essentiel dans les rues principales, on craint que les petits commerces indépendants ne subissent de plein fouet les conséquences de la crise.
Pour comprendre la situation des petites entreprises et concevoir des politiques et des solutions pour les aider à survivre et à se reconstruire, nous devons être en mesure de les définir et de les dénombrer. Les ensembles de données actuels de Statistique Canada sont les meilleurs dont nous disposons, et l'agence doit continuer à collecter et à publier des données de manière cohérente et à l'échelle nationale. Mais en ramenant la rue principale, une priorité doit être de trouver de nouvelles façons cohérentes de mesurer la rue principale.